Les notations du plain-chant

Le chant grégorien ou plain-chant constitue le répertoire de référence employé quotidiennement durant les offices des chrétiens d’Occident. Ses notations, les neumes, ont évolué en privilégiant la précision des hauteurs des notes avec la fixation des lignes de la portée au détriment du système originel d’indications d’exécution. De par leur aspect graphique, elles s’intègrent aux éléments de décor des ouvrages liturgiques.

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Les neumes, système de notation du plain-chant

F. RAILLARD, Explication des neumes ou anciens signes de notation musicale pour servir à la restauration complète du chant Grégorien avec des tableaux de comparaison et un recueil de chants religieux extraits d'un manuscrit du XIème siècle. Paris, E. Repos, 1859. [4 V SUP 427 RES].  

Ce n’est qu’à partir de la découverte en 1847 du Tonaire de Saint-Bénigne de Dijon, par Félix Danjou, organiste de Notre-Dame de Paris, que le mystère de la lecture des neumes put commencer d’être percé. Aujourd’hui oublié, l’abbé Raillard, vicaire de Saint-Thomas d’Aquin à Paris, fait partie des pionniers avec les bénédictins de Solesmes, pour proposer de déchiffrer selon une méthode systématique les plus anciens manuscrits afin de servir le projet de restauration du chant grégorien à partir de ses versions les plus anciennes. On découvre alors aussi que celles-ci ont été amputées d’une partie de leurs ornementations mélodiques du fait de l’oubli, au fil des siècles, de leurs techniques propres d’interprétation. Ce tableau comparatif superpose les anciennes notations neumatiques employées pour noter le chant liturgique à partir du 9e siècle, dont les hauteurs de notes ne sont pas précisées avec exactitude, avec la notation en notes carrées sur portée de 4 lignes qui leur succèdera pour se généraliser dès l’invention de celle-ci à la fin du 12e siècle. Celle-ci privilégie alors la précision des hauteurs de notes au détriments des indications d’interprétations que mettaient en avant les notations neumatiques.

 

La cantillation, lecture chantée des textes sacrés

Missel de Beauvais. Manuscrit, début du 12e siècle. [Ms. 95]

Le chant liturgique des chrétiens d’Occident trouve sa source dans la cantillation, lecture chantée des textes sacrés se fondant sur la prononciation de la hauteur musicale des voyelles selon l'accentuation du latin. On trouve un exemple d’indications de cantillation dans ce missel réservé à l'usage d'une abbaye bénédictine non identifiée de la région de Beauvais.

 

 

Neumes et parchemin de réemploi…

Fragment d'antiphonaire en notation bretonne, 9e siècle. Gardes contrecollées d'un recueil des 10e - 12e siècles. [Ms. 223]. 

Quatre feuillets de parchemin portant des chants liturgiques du 9e siècle (répons et antiennes issus du Livre de la Sagesse et de Job) en neumes bretons s’inscrivent au palmarès des plus anciens livres notés en Europe de l’Ouest. Les neumes sont des signes, dérivés de la ponctuation et d’autres systèmes graphiques, qui traduisent les inflexions de la mélodie. Ce précieux antiphonaire concorde avec d’autres fragments conservés à Leiden et Valenciennes et aurait probablement voyagé à la suite des redoutables incursions normandes ou vikings (843-883). Il fut réemployé en garde sur les contreplats de reliure au 12e siècle lors de la constitution de ce recueil provenant d’une abbaye rattachée à Sainte-Geneviève.

 

 

Plain-chant et notation carrée

Collectaire à l’usage du prieuré Saint-Lô de Rouen. Manuscrit, fin 15e - début 16e siècle. [Ms. 1272]. 

Ce collectaire du prieuré Saint-Lô, qui rejoint en 1639 la Congrégation des Augustins de France dont l’abbaye Sainte-Geneviève est chef d’ordre, rassemble les prières dites par le célébrant pendant la messe. L’antienne (antiphona) « Architectus fundavit domum istam… », chantée durant la cérémonie de dédicace d’une église, est notée dans la notation carrée devenue caractéristique du plain-chant.  

 

 


Poésie profane et sacrée à la cour de saint Louis

Psautier de Marguerite de Bourgogne. Manuscrit, fin 12e- début 14e siècle. [Ms. 1273]

La notation carrée en usage dans le cantus, n’est pas encore mesurée ici comme dans les grandes compositions polyphoniques (organa, motets), mais traverse allègrement les frontières entre profane et sacré : un certain frère Gilles, copiste à l’abbaye de St-Bertin, serait-il l’auteur de ces vers en langue d’oïl, paraphrases bilingues (langue d’oïl et latin) d’une antienne mariale ? De forme strophique proche des hymnes et proses, voici dans ce psautier de Marguerite de Bourgogne, belle-soeur du roi Louis IX, la rhétorique de l’intercession mariale à des fins de protection de la dynastie royale.

 

Feuilletez deux ouvrages illustrant la transmission des neumes par le biais de l'imprimerie :

Découvrez un exemple de notation carrée dans un manuscrit avignonnais : Maître du Pontifical de Saint-Martial, Pontifical de Guillaume Durand. Manuscrit, vers 1357. [Ms. 143]

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À écouter : 

Chant Grégorien à l'Abbaye du Thoronet par Damien Poisblaud : Alleluia de Noël

Chant grégorien et polyphonies du Moyen Age à la Renaissance par la Maîtrise Notre Dame de Paris sous la direction de Sylvain Dieudonné